En 2025, 45 zones à faibles émissions (ZFE) auront été créées en France avec pour objectif de supprimer totalement la présence des véhicules essence d'ici 2030. L’objectif est de réduire la pollution de l'air en milieu urbain. Des villes comme Paris, Toulouse, Grenoble, Rouen, Lyon, Strasbourg, Montpellier et prochainement Bordeaux sont des exemples de ces ZFE. Cette transition est donc un défi de taille pour la vie quotidienne des citoyens, mais aussi pour les acteurs du transport et de la logistique. Toutefois, sa mise en œuvre s'avère être beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, estime Guillaume Fournier, CEO de Supervan.
Il existe deux référentiels différents pour évaluer la pollution : l'un se concentre sur les gaz nuisibles pour la santé humaine et l'autre sur ceux qui ont un impact négatif sur l'environnement. Les vignettes Crit'Air (et donc les ZFE) servent donc de moyen pour protéger la santé publique. En effet, à terme, seuls les véhicules considérés comme moins polluants pour l'homme seront autorisés à circuler dans les zones urbaines grâce à cette mesure.
Néanmoins, chaque ville est libre de définir ses propres règles et son propre calendrier pour les restrictions de circulation, telles que les périodes de l'année et les heures de la journée, les types de véhicules, ou encore le niveau maximum de certification requis pour les vignettes Crit'Air.
Dès lors, comment réussir à mettre en place cette transition - véritable objectif de santé publique - en temps et en heure ? Alors que près de 50% des conducteurs de voitures seront interdits de circulation dans les centres des villes de plus de 150 000 habitants à partir du 31 décembre 2024 (Loi Climat et Résilience)... Et que la plupart des artisans du bâtiment et des professionnels de la logistique ne disposent pas d'une flotte de véhicules répondant aux normes Crit'Air 0 ou 1 ?
3% des ventes de VUL neufs en Europe en électriques
En effet, les entreprises de transport en milieu urbain ne disposent ni des fonds propres ni de la capacité d'emprunt nécessaire pour s'équiper de ces véhicules coûteux. En conséquence, seulement 3% des ventes de VUL neufs en Europe sont électriques.
Pour améliorer l'accès aux véhicules écologiques, on pourrait prolonger les aides à l'acquisition et les étendre aux véhicules fonctionnant au GPL, GNV et retrofit. Il pourrait également être utile d'élargir l'éligibilité Crit'Air 1 à tous les carburants oléagineux et de leur accorder les mêmes avantages tarifaires aux péages. Enfin, il serait intéressant de déplafonner le bonus écologique au-delà de 5 000 euros, de ne pas compter le poids des batteries dans le PTAC et de garantir les leasings pour les entreprises les plus engagées.
Il est important de changer les perceptions pour avancer dans la transition écologique. La reconnaissance des labels pour les entreprises éco-responsables serait ainsi un bon moyen de récompenser les plus actives et de motiver les autres. En effet, il existe déjà de nombreux labels tels que ceux délivrés par l'Ademe, EVcom ou Objectif CO2, qui attestent de l'engagement et des efforts déjà réalisés par les entreprises.
Une transition complexe à mettre en place
Cet accompagnement pour les véhicules électriques doit être structuré. Il y a actuellement peu de points de recharge pour les véhicules utilitaires légers ou les poids lourds (avec une puissance de 55 kW ou plus) et il faut environ un an pour installer une borne de recharge adaptée. Il serait donc utile d'avoir des mesures d'aide pour le stationnement et la livraison de ces véhicules, comme des places de stationnement réservées, des zones dédiées et une tolérance pour les véhicules utilisés pour les livraisons.
La transition vers les véhicules électriques est complexe à mettre en place. Il y a aussi le défi de la construction de véhicules plus respectueux de l'environnement. Le secteur de l'automobile est sous pression et les délais de livraison sont de plus en plus longs : il faut maintenant attendre plus d'un an pour recevoir un véhicule électrique.
En outre, malgré l'échéance de 2024, les constructeurs automobiles ne proposent pas encore de véhicules utilitaires hybrides à essence (Crit'Air 1) qui permettraient aux professionnels de maintenir leur productivité et donc leur rentabilité. Pour l'instant, les véhicules utilitaires électriques ne sont pas encore aussi performants que les véhicules thermiques et ont encore un coût supplémentaire d'environ 25% malgré les aides publiques.
Un environnement réglementaire incertain
Le transport de personnes en zone urbaine, responsable de 70% des émissions de CO2, bénéficie enfin d'une offre mature, disponible et abordable en véhicules électriques et propres avec un marché de l'occasion développé. Cependant, cela n'est pas le cas pour le transport de marchandises lourdes et volumineuses pour les derniers kilomètres. Il est important de ne pas diaboliser ces véhicules dans les espaces urbains car ils sont actuellement encore nécessaires pour notre mode de fonctionnement actuel.
De plus, l'environnement est incertain : les règles varient selon les régions et les calendriers établis depuis des années. Les plans d'investissement des transporteurs sont remis en question, en raison de la décision de laisser le choix aux élus locaux. Ainsi, le Grand Paris a reporté d’un an l'abandon du Crit'Air 3 dans sa zone.
Paradoxalement, c'est une bonne nouvelle pour ceux qui n'ont pas agi et une mauvaise pour ceux qui ont fait des efforts pour investir. Plus grave encore, cela entraîne pour eux une perte de compétitivité et de rentabilité par rapport à ceux qui n'ont rien fait.
Il est donc crucial de synchroniser les règles et les échéances pour créer de la stabilité et de l'égalité, étant donné les enjeux posés par les ZFE pour la santé publique et les sommes d'investissement requises pour les secteurs d'activité impactés.